DURCKHEIM

par Clara d'Amore

Karlfried Graf Dürckheim est né le 24.10.1896 à Munich en Allemagne. Sa vie d'adulte commence à dix-huit ans sur le front de la Première Guerre mondiale. Saturne transite le Descendant du thème correspondant pour lui à un moment de prise de conscience du monde. Il étudie ensuite la philosophie et la psychologie, et devient professeur à l'université. Il est envoyé en Angleterre et en Extrême-Orient. Au Japon, de 1938 au début de la deuxième Nouvelle Lune progressée en 1947, il s'intéresse au bouddhisme, et plus particulièrement au zen. Dans une deuxième partie de vie, il fonde dans la Forêt Noire, en 1951, le "Centre de rencontre et de Formation en Psychologie Existentielle" qui deviendra une "Ecole de thérapie initiatique". Jusqu'à sa mort en 1988, il y reçoît les personnes, de plus en plus nombreuses, intéressées par ce qu'il appelle le chemin de la maturation.

Si la Vérité est Une, les manières de l'atteindre sont diverses, de plus chacun l'explique à sa façon. Le travail sur soi proposé par Dürckheim est l'expression de son thème astrologique.

BOL

Toutes les planètes sont réparties dans une moitié du thème. La partie pleine montre ce qui est en train de s'actualiser, et la partie vide ce qui est dans un état de potentialité.

Pour Dürckheim, nous sommes deux en un. "Chacun de nous est conditionné par la famille dans laquelle il est né, par ses études, sa carrière, ses succès, ses échecs, ses amours, ses tristesses, ses détresses et par la position qu'il occupe dans le monde. C'est Monsieur Untel, reconnu par les autres qui s'identifie à ce moi. Mais chacun de nous ignore souvent qu'il est aussi un être inconditionné au-delà du temps et de l'espace. Je l'appelle l'Etre essentiel par rapport à l'autre que j'appelle le moi existentiel. L'Etre essentiel est ce noyau qui, en chacun de nous, représente la façon dont l'Etre universel voudrait se manifester de façon individuelle dans l'existence. La tension entre ces deux pôles est le problème central de l'homme."

Le dessin Bol indique une capacité à faire l'expérience des complémentaires comme parties d'un même tout, et de réunir deux éléments apparemment séparés.

Tout l'enseignement de Dürckheim semble relever d'un seul souci : celui de réconcilier les femmes et les hommes de ce siècle finissant, avec leur propre être, avec leur propre force et leur propre lumière. Pour cela, il nous propose de découvrir ce que la psychologie des profondeurs appelle l'ombre, définie par lui comme l'ensemble de toutes les impulsions venant de cet Etre essentiel qui jusqu'à présent n'a pas pu vivre.

Il n'y a pas d'opposition entre ces deux pôles de notre conscience humaine, pas plus qu'il n'y a d'opposition entre l'inspiration et l'expiration. L'homme vit dans une respiration qui allie la réalité et la conscience des objets avec la réalité et la conscience du sujet.

Dürckheim nous invite à mieux nous connaître, à nous libérer de l'opposition objectivité/subjectivité et à participer à notre devenir en acceptant une discipline : l'exercice.

LUNE/VENUS

Ouvrant et fermant le dessin, ce couple de planètes suggère de développer la perception des changements qui s'opèrent en nous (Lune) et d'en discerner la valeur (Vénus). Le chemin de maturation de Dürckheim s'adresse à la personne individuelle attentive à une vérité qui la transcende.

Lune et Vénus sont en opposition séparante. L'être humain a la possibilité dans sa vie quotidienne de devenir conscient de ses sentiments et sensations. Ce qui le transcende, autrement dit Dieu, peut être l'objet d'une expérience sensorielle et affective, donc une expérience foncièrement humaine.

Cet au-delà est la nécessité pour celui qui se met en chemin vers sa vraie nature, vers son être-sujet (moitié vide du thème) de s'ouvrir (Lune) à ses expériences personnelles les plus profondes (Vénus). C'est en considérant avec soin (opposition séparante) les expériences qui surgissent du plus profond de lui-même que l'homme-sujet se rencontre dans sa vraie nature, dans ce que Dürckheim appelle son Etre essentiel.

LUNE

La Lune mène le thème en Maison V. Elle indique la nécessité de réorienter notre sentiment d'identité personnelle en donnant la priorité à l'expression du centre de notre être.

Il s'agit moins de chercher le divin que de se laisser atteindre par lui, car c'est lui qui nous désire. La Lune est maîtresse du Descendant, et propose d'être au service de l'Autre nous-même et de le laisser s'exprimer à travers nous.

Souvent les gens demandent si le travail orienté vers la profondeur de l'être n'amène pas à prendre d'une manière superficielle le devoir quotidien. Pour Dürckheim, c'est tout le contraire, les actes routiniers peuvent devenir exercice sur le chemin. La Lune symbolise les activités de tous les jours. Ici en Gémeaux elle suggère d'être sensible à l'environnement et de l'expérimenter très largement. Nous devons comprendre que si les exigences existentielles nous empêchent, apparemment, de toucher la profondeur, ce n'est que sur le champ de l'existence que nous pouvons manifester cette profondeur. Le quotidien est le lieu même du témoignage de l'essentiel. Chacun peut devenir témoin de l'essentiel par sa façon d'être là.

VENUS

Vénus ferme le dessin en Maison XI. Elle montre qu'il est nécessaire d'atteindre une nouvelle forme d'expression sociale. En Scorpion, elle suggère d'éviter de se perdre dans ce domaine, pour sentir et s'unir à quelque chose de plus profond. Pour Dürckheim, nul n'aboutit à l'accomplissement de son être en s'identifiant à sa fonction mondaine. Pour lui, qui s'intéresse à l'expérience spirituelle doit savoir que ce n'est pas toujours une expérience bouleversante, renversante. Dürckheim souligne l'importance des expériences mineures et parle du toucher de l'être, parfois aussi d'un climat privilégié.

L'expérience spirituelle se manifeste dans cette qualité différente de l'instant, au coeur de laquelle s'exprime une dimension qui dépasse le cadre habituel de notre existence. Inhérente à tout être humain, cette qualité est celle du numineux.

Dürckheim a beaucoup insisté sur cette qualité d'être que révèle la présence d'une réalité transcendante située dans notre être.

La nature et l'art sont des lieux privilégiés pour s'ouvrir à la qualité numineuse dans laquelle s'exprime une transcendance immanente. Si dans ces domaines les qualités auxquelles nous éveillent les cinq sens peuvent révéler une profondeur, l'érotisme présente les mêmes possibilités. Dürckheim insistait beaucoup sur l'attention à la caresse.

"La caresse est le geste d'amour qui éveille notre être profond. L'érotisme sans la caresse devient la sexualité. C'est dans la caresse que s'incarne la tendresse. Il n'y a là rien de fort, d'intense, c'est au contraire très doux. Et c'est cette douceur qui éveille l'être profond".

MI-POINT

Le mi-point à 10° Vierge entre les deux extrémités du Bol représente une sorte de centre de gravité vers lequel peuvent converger les efforts conscients en vue d'une intégration personnelle. Le Signe de la Vierge en Maison VIII suggère d'utiliser l'analyse pour se transformer. Pour Dürckheim, il est important de s'observer avec un regard différent de celui qu'on porte aux objets. Il faut percer les différentes peaux formées par la race, la tradition, le caractère, et surtout le système par lequel nous comprenons nos vies. Au travers de tout cela, nous pouvons atteindre un état symbolisé par le Point de Libération en face, à 1° Poissons en Maison II, suggérant une expérience concrète de l'impalpable. Pour Dürckheim, nous pouvons trouver quelque chose d'inoui en même temps que semblable pour chacun, puisque là nous goûtons à l'ETRE.

JUPITER

Jupiter en Vierge est en conjonction au mi-point, et se trouve à la pointe d'un carré en T qui englobe tout le thème et lui donne un axe général. En Scorpion, cette planète suggère le besoin d'être plus que soi-même et le désir d'union avec un tout plus grand. Dans le quart Sensation, cela se vit à travers l'expérience sensorielle. Jupiter se trouve sur le 5° Vierge dont le symbole (1) indique : "Une personne réalise l'existence d'esprits de la nature et d'agents spirituels normalement invisibles. Ouverture à de nouveaux plans de conscience." Pour Dürckheim, au sommet de cette percée de la grande Réalité, l'homme vit l'expérience religieuse au-delà de toute religion.

Les cultes sont très importants. Qu'ils soient orthodoxes, bouddhistes, catholiques, hindouistes..., ils sont un moment possible d'éveil sur le plan sensoriel et sensuel. En état de réceptivité (Lune) l'homme peut être touché à travers ses cinq sens (Vénus) par les sons des cloches et des gongs, le parfum de l'encens, la lumière tamisée par un vitrail, les chants et le silence. Ces derniers n'ont pas d'autre but que d'éveiller (opposition) celui qui participe à ce culte à une autre ambiance intérieure, laquelle peut parfois révéler la qualité du numineux (Point de Libération Poissons en Maisons II).

Pour Dürckheim ce qui importe n'est pas de juger du lieu de l'expérience mais de prendre au sérieux l'éveil à une nouvelle dimension de vie et de conscience qui, jusque-là, restait cachée, ignorée.

L'expérience spirituelle ouvre l'homme au mystère qu'il est dans la profondeur de son être. C'est pourquoi, Dürckheim parle d'expérience initiatique. Cependant, il ne s'agit que d'un état éphémère de plénitude, d'ordre et d'unité, dont le noyau de notre être essentiel est la source.

L'énergie du thème demande d'aller consciemment vers le Point de Libération.

Pour Dürckheim, cet état éphémère peut devenir sinon permanent du moins plus présent, à la condition impérative de passer de l'expérience initiatique au chemin initiatique. Cette voie est l'effort que doit faire la personne individuelle pour se débarasser de ce qui voile son être authentique.

Si le chemin initiatique commence par une expérience, il faut se demander : "Que dois-je faire pour devenir celui qui s'est révélé le temps qu'a duré cette expérience ?". La réponse à ces questions est simple : l'exercice. "Le travail commence avec le développement de l'organe du goût de l'essentiel. A partir de là il y a un chemin à faire dans le quotidien, qui en partie sera le même toujours et partout."

POINT DE LIBERATION

Le Point de Libération du thème se situe à 1° Poissons en Maison II et propose de développer une conscience globale à travers le corps. "L'ouverture à l'Etre est ce moment où une profondeur véritable nous envahit entièrement, moment d'ouverture à l'inconnu."

Dürckheim montre la nécessité de passer de la conscience du corps que l'on a à celle du corps que l'on est. Ce dernier est la synthèse et l'unité des gestes par lesquels une personne s'exprime et se représente, se réalise ou échoue dans le monde. La présence de ce corps peut être juste ou fausse : juste quand il est transparent à son Etre essentiel, c'est-à-dire à la façon dont la "vie" cherche à se manifester dans le monde au moyen de notre individualité ; fausse dans la mesure où il empêche un devenir et une manifestation conformes à l'Etre essentiel. Le corps compris sur le plan de la personne ne concerne rien de physique. Il est le moyen possible d'exprimer soit une présence et une évolution juste, soit leur blocage.

Dürckheim ne propose pas un chemin de facilité. S'il veut trouver le sens de sa vie, l'homme doit se prendre en main afin d'achever une oeuvre inachevée. Il doit travailler sur lui-même. Ici la conscience peut se développer par ce que symbolise Neptune, deuxième maître des Poissons où se trouve le Point de Libération. En Maison VI il suggère, dans le cas de Dürckheim, la dissolution de moi à travers des techniques.

Mais l'exercice ne consiste pas à jouer avec des techniques dans l'illusion de pouvoir atteindre des sommets spirituels. Le chemin de transformation requiert un laborieux travail de maturation.

Il ne s'agit plus ici de crédulité, ni de démonstration intellectuelle, mais d'une véritable transformation de soi-même.

NOEUDS LUNAIRES

Le Point de Libération est proche du Noeud nord, montrant le travail nécessaire dans cette incarnation.

Pour Dürckheim, le champ le plus directement accessible à la pratique du chemin est notre corps. Mais l'exercice du corps ne servira à la maturation spirituelle que dans la mesure où il n'est pas considéré comme quelque chose de biologique opposé à quelque chose de spirituel. Il s'agit de réunir les deux extrémités nodales, le pôle terrestre du Noeud sud et le pôle divin du Noeud nord.

Tout ce qui est tension, crispation est toujours pour la personne l'expression d'une méfiance, donc il n'y a pas d'ouverture et pas de liberté.

Le travail du Noeud nord en Maison II consiste à chercher une détente. Cet effort permet une libération plus consciente du potentiel du Noeud sud en Maison VIII : identification de la personne à une réalité d'elle-même plus profonde, son Etre essentiel.

Pour Dürckheim, il faut faire la différence entre l'exercice qui a pour objectif les performances de l'ego et l'exercice qui vise la transparence à une transcendance immanente.

Il faut faire un effort sur le sens du Verseau, en démasquant les plans utopiques. L'erreur est d'envisager l'exercice comme le moyen de bâtir un idéal pré-médité. On ne peut de cette façon que construire un échafaudage qui s'écroulera à la première tempête.

Si notre idéal est notre tour de biceps, nous y arriverons. Mais si notre idéal est la tranquillité du corps, la sérénité de l'âme et la paix du coeur, qualités qui trouvent leur origine dans l'Etre essentiel, nous n'y arriverons pas. Nous ne pouvons pas construire un état de tranquillité. Nous ne pouvons construire qu'une façade qui cache l'agitation intérieure. Ce que nous pouvons espérer c'est de devenir de plus en plus perméable à cet individu tranquille que nous sommes déjà dans la profondeur de notre être.

Le maître du Noeud nord est également celui de l'Ascendant et montre le rapport entre la conscience de soi et le travail d'incarnation pour atteindre le dharma. Il s'agit de Saturne qui se trouve près d'Uranus en Scorpion en Maison X. La conjonction fin de cycle montre qu'il faut tendre à détruire toutes les structures rigidifiées pour s'ouvrir à l'inconnu ; l'égo doit accepter l'inattendu, car dans ce chemin, on ne sait pas ce qu'on devient.

Le maître du Noeud sud en Lion est le Soleil Scorpion en Maison IX conjoint au Milieu du Ciel. Le résultat est de laisser briller l'Etre intérieur. "Dans l'exercice nous ne pouvons pas vouloir l'expérience de la transcendance, mais nous pouvons préparer les conditions grâce auxquelles elle devient possible."

Avec cette conscience du but, le thème se vit autrement. C'est la Lune qui mène et il s'agit de répéter sans cesse l'exercice. La Lune va vers la Maison VI et contacte d'abord Pluton, puis Neptune et Mars. Pour Dürckheim, il est important de maîtriser la technique parfaitement, dans une exigence obstinée (Pluton), pour finalement laisser couler chaque geste (Neptune). Arrive un moment où il n'y a plus rien à faire, c'est là où on laisse exprimer à travers Mars une force (Mars) plus profonde, la force de l'Etre. "Et voilà le grand principe de tous les exercices sur le chemin : il s'agit de faire toujours la même chose, toujours la même chose... Parce que la "gamme" que vous répétez vous donne la chance d'être différent dans votre être entier."

Le chemin initiatique conduit à l'inconnu de soi-même, à l'individuation. Au bout des planètes se trouve Vénus montrant la forme à exprimer : le fruit déjà présent dans la graine. Sur ce sentier Nicole devient Nicole et Jean devient Jean, c'est le but du chemin.

Note

(1) extrait du livre de Dane Rudhyar : "Symboles Sabian", Ed. Librairie de Médicis

Bibliographie

Karlfried Graf Dürckheim : "Le Centre de l'Etre", Ed. Albin Michel

Karlfried Graf Dürckheim : "Pratique de l'expérience spirituelle", Ed. Pocket

Question de - n° 81 : "Karlfried Graf Dürckheim", Ed. Albin Michel

2.06.97

Karlfried Graf DURCKHEIM

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